jeudi 24 novembre 2011

Norme Française.

"La maîtresse nous l'avait présenté comme un jeu, je n’étais pas certain d'avoir tout compris, mais j’étais disposé à y jouer,un peu comme à un loto, de 1 à 10 avait-elle dit.(...)

(...)J'ai d'abord pensée qu'elle m'avait oublié, et j' en fut peiné.Nulle trace de nombres ou de chiffre, parmi toutes les griffures de stylo rouge qui recouvraient ma copie...
 Je fus bien rassuré lorsqu'elle m'affirma ne pas m'avoir oublié, et elle m’expliqua que ce que j'avais probablement pris pour une lettre , était en fait un chiffre: il se nommait zéro, et signifiait une absence totale de point.  
(...) Bizarrement, je n'avais plus aucune envie de jouer, ni de me mêler aux autres.Je me sentais anéanti par cette première rencontre avec l'abstraction.Une farandole d'idées confuses s'est mise inopinément à tourner dans ma tête comme un triste manège.Comment me faire le porteur de cette absence de nombres, qu'intuitivement je présentais infâmante?Comment l'annoncer à tous ceux qui, bientôt, ne tarderaient pas à me le demander.?Il me semblait que cela aurait été comme d'avouer un crime que je n'avais pas commis, de quoi étais-je coupable? je n'avais pourtant fait de tort à personne, était -ce donc un crime que de s'exprimer? car enfin, j'avais répondu en toute bonne foi aux questions qui m’étaient posées, pourquoi opposer une sentence aussi dure à autant de candeur ?La maîtresse, lisant sur mon visage un grand désarroi me dit que ce n’était pas grave et que je ferai mieux la prochaine fois, ce qui ne fit qu’accroître mon affliction : d'une part parce que je sentais au contraire que c'était grave, et d'autre part parce que je ne voyais pas comment les choses auraient pu être différentes la fois suivante. Devant moi une chaîne infinie de zéro se profilât soudain.C'est du pas traînant des condamnés aux travaux forcés, que je descendis dans la cours de récréation.Je m'assis dans un coin,et,sans savoir pourquoi, me mis à sangloter.Lorsque mes larmes se furent séchées,une évidence me tendit les bras, comme une fenêtre ouverte par le vent : amenée par la logique absurde des raisonnements inconscients, zéro devenait égal à exclusion, lui-même synonyme de pas concerné pendant qu' absence de chiffre se transformait en absence tout court.Donc, rien de cela ne me concernait,et je décidais d'être désormais, résolument absent...et c'est ce que je fis pendant tout le reste de ma scolarité."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire